lundi 21 mars 2011

Le Camp de Dresde Manuscrit

Le Camp de Dresde

À l'été 1813, lors de la suspension d'armes, la Grande Armée établit ses campements dans les environs de Dresde. Plusieurs artistes suivent alors les armées en campagne. Un peintre allemand mineur de cette région, Bommer réalise des croquis dont il gouache une partie et qui sont rassemblés dans un grand cahier à l'italienne. Certaines feuilles séparées ont été depuis retrouvées en Allemagne: un maréchal, et des calques d'une gouache perdue représentant des hommes de la Garde qui sont exactement du même style que le cahier principal.

Il est possible, mais nous n'en avons aucune preuve que Piotr Illitch Sauerweid, célèbre artiste militaire russe qui suivait les armées alliées se soit procuré ce travail qui était d'une grande précision dcoumentaire. Il l'aurait alors ramené en Russie. À la toute fin du 19e siècle, le célébrissime peintre militaire français Edouard Detaille effectue un séjour en Russie à l'invitation du Tsar. Il en ramène quantité de croquis, tableaux…et aussi semble-t-il le fameux cahier qui fait alors son apparition au sein des cercles d'historiens et maateurs de militaria. Il est alors appellé "Manuscrit de Camp de Dresde" et attrobué à Sauerweid. On ne peut comprendre cette attribution autrement que si Detaille a eu la certitude que ce cahier appartenait précedemment à Sauerweid. Toutefois le style artistique est très éloigné de celui du peintre russe, qui est très classique et raffiné alors que les dessins du manuscrit sans être grossiers n'ont certainement pas la patte d'un artiste accompli.

Detaille va largement partager cette source. Elle est copiée à l'époque par JOB (une copie précise du manuscrit se trouve a priori dans le musée JOB et plusieurs types s eretrouvent dans "tenues des troupes de France"), par Gembarzewski (élève de Detaille), par Charles Brun (exceptionnel gouachiste et copiste qui travaille alors pour de nombreux collectionneurs - des calques d'une partie du manuscrit se trouvent dans le fonds Charles Brun du musée Galliera à Paris). Lors de la liquidation de la succession Detaille après la 1ère guerre mondiale, le manuscrit se retrouve en vente chez un grand libraire praisien. C'est là que Boisselier semble l'avoir copié puisque la célèbre anecdote de Boisselier soudoyant la vendeurse d'un libraire pour qu'elle tourne les pages d'un livre pendant que celui-ci à l'extérieur le copie a trait justement au "camp de Dresde". 

Le manuscrit est acheté par le collectionneur belge Charles Delacre (probalement vers 1921-1922) et va rester dans sa collection jusqu'à sa mort et la dispersion de celle-ci au début des années 1960. C'est en 1961 que le cahier est présenté aux enchères à Drouot. C'est un grand collectionneur français qui l'emporte, malgré la présence de Ms Anne S K Brown, très intéressée, mais qui, distraite par une intervention perturbatrice d'amis de l'amateur français, laisse passer sa chance !

Ce collectionneur est un des membres principaux du cercle de passionnés "la compagnie d'élite". Ce petit groupe permet à ses membres d'acquérir des copies de pièces exceptionelles que chacun d'entre eux détient. C'est ainsi que le Camp de Dresde est, pour la première fois, copié à plusieurs exemplaires.  21 copies sont réalisées, dont 11 sont numérotées et réservées aux membres. La qualité de la mise en couleurs est d'une extrême fidélité. Parallélement, un calque noir et blanc ayant été effectué pour le tirage, une version "à colorier" est proposée par Henri Achard.

Le "Camp de Dresde" ressurgit de nouveau, il y a une dizaine d'années lors de la découverte fortuite de la très belle copie, partielle, du cahier par Charles Brun faite dans les années 1900 pour le collectionneur Cottreau. Cédée par un libraire français à un amateur américain, cette version fait l'objet d'une belle publication présentée par Alfred Umhey. À cette occasion, en complément des copies du manuscrit de Freyberg qui y figurent aussi, on inclut une partie des originaux du manuscrit de Freyberg qui ont été retrouvées. C'est ainsi que deux des plus importants manuscrits de l'année 1813 se voient réunis.

Tous les types montrés par le manuscrit du "Camp de Dresde" sont intéressants. Le cahier est divisé en deux parties: les uniformes de parade, les uniformes de campagne. La partie "parade" est celle qui est la plus mise en couleurs. On y constate que le réglement de 1812 est loin d'avoir été appliqué, même à l'été 1813 !

Les six types copiés par Boisselier appartiennent à cette partie. Le plus intéressant est probablement le musicien de dragons, car il est rare de voir ce type de personnage. D'ailelurs, dans le manuscrit, Bommer a aussi représenté la musique, paradant à cheval, mais au simple trait. En dehors du fait que ce dragon ne porte pas l'uniforme modèle 1812, il n'appelle pas de commentaires particuliers. Il a les trèfles du musicien, mais aussi un bicorne…qui est retenu par une jugulaire ! Ceci et facilement compréhensible pour des raisons pratiques puisque notre homme doit aussi, et surtout jouer de son instrument et pas retenir sa coiffure de sa main en cas de besoin ! 

Yves Martin

Henry Boisselier

Extrait de la biographie de Boisselier rédigée et publiée dans "La Garde Impériale et ses uniformes" par Yves Martin (éditions LCV)
Henry Boisselier est né à Paris le 13 avril 1881 dans une vieille famille d’artistes et artisans installé dans la capitale depuis la Régence. Son père a fait la guerre de 1870, cela ne sera pas sans importance plus tard. 
Il étudie à l’école Boule et devient ciseleur d’art. Comme tant d’autres, il est piqué par la passion de la chose militaire. Après tout, le jeune Boisselier est dans le Paris de la belle époque, celui de “la revanche” où le militaire est roi. 
C’est aussi la belle époque des amateurs de militaria. Les collectionneurs y sont nombreux et leurs collections sublimes. En cet âge où le seul moyen d’avoir la copie d’un document est d’en faire une copie à la main, la demande pour des planches originales, bien documentées et à la tournure artistique existe au sein de ces cénacles avisés.
Boisselier accumule la documentation. Il fréquente les amateurs, les chercheurs tels Bucquoy, Léonce Bernardin, Fallou, Margerand. 
“C’est au hasard d’une rencontre vers 1908 dans un petit magasin de cartes postales de la rue de Richelieu que je dus de faire connaissance avec Boisselier, et dès l’abord, nous sympathisâmes. Cet excellent homme, mon cadet de quelques mois, peut se vanter d’une rare performance dans le panier de crabes de l’uniformologie: on n’entend jamais dire du mal de lui...Toutes les collections de notre temps contiennent quelques-unes de ces innombrables aquarelles sans prétention signées Boisselier, mais où le militaire a toujours d’une façon si juste “la gueule” et la silhouette de son époque en même temps que l’uniforme rigoureusement exact qui lui convient.” (Commandant Bucquoy - 1953)
Bucquoy lui confia ainsi très vite certaines de ses séries de cartes. Boisselier illustrait à merveille “l’homme” seul ou à la limite en petits groupes. Rarement, il dessine un cheval - même s’il en est parfaitement capable. Sa préférence va au fantassin. 
Il accumule tout au long des années une étonnante documentation. Comme tous ses confrères, il réalise des sortes de planches “maîtres” qu’il conserve dans de volumineux classeurs. Certains de ceux-ci sont encore visibles dans certaines collections où le hasard des ventes aux enchères les ont fait atterrir. On y constate l’universalité de ses centres d’intérêt. 
Contrairement aux autres artistes français, il se distingue par sa curiosité envers les armées étrangères. Il correspond avec d’autres artistes et chercheurs militaires européens: Le révérend Percy White en Grande-Bretagne, Winand Aerts en Belgique, et, évidemment Herbert Knötel en Allemagne. Il réalise quelques planches pour les “neue Folge” (nouvelles séries) de l’Uniformenkunde qu’Herbert Knötel publie afin de poursuivre l’oeuvre monumentale de son père.
Toute sa vie, Boisselier va conserver une caractéristique: son étonnante capacité de travail et surtout une incroyable rapidité d’exécution. On cite l’anecdote suivante à ce propos: un marchand parisien avait acquis un manuscrit rare mais à un prix inabordable pour tous, sauf de fortunés collectionneurs. Il l’exposait dans sa vitrine, à livre ouvert, afin d’appâter le chaland collectionneur. Boisselier soudoya un vendeuse du magasin et celle-ci tournait les pages dudit manuscrit, alors que Boisselier assis sur un banc face à la vitrine les copiait. Le manuscrit eût vite fait de rejoindre la documentation du peintre...
Les témoignages des amateurs qui ont connu Boisselier sont unanimes, il lui fallait tout au plus 15 à 20 minutes pour réaliser un de ses personnages.
Entendons-nous, il y a plusieurs “types” de gouaches de Boisselier. Les travaux d’avant la seconde Guerre Mondiale sont en général très léchés. Boisselier maîtrisait superbement la plume et la gouache. Il savait être d’une extrême précision. Ces planches sont souvent sur de l'excellent papier. Leur taille peut varier: grande ou au contraire petit format, mais le format type cahier, proche du A4 semble n'avoir été adopté qu'après 1945.
Après-guerre: il produit beaucoup, très vite , trop vite peut-être. Les planches y perdent en précision, mais en aucun cas le travail n’est bâclé sur le plan de la recherche. Presque toutes les planches de Boisselier connues comportent de rigoureuses indications de sources. 
Pour le 1er Empire, on le verra, elles sont variées. Il fait appel aussi bien à l’iconographie contemporaine (planches de Martinet, Jean, Genty etc.) qu’aux mémorialistes, archives et surtout collections alsaciennes.
Sa prédilection semble avoir été pour le 2nd Empire. Il disposait de par son père et de par ses contacts avec le peintre alsacien Nussbaum (autre vétéran de 70) d’une vaste et précise documentation. Il réalisa ainsi pendant la guerre une somptueuse série sur les armées de Napoléon III. On dit que ce fut une commande d’un officier de la Wehrmacht qui jamais ne vint la chercher, perdu en Russie, ou en Normandie...Toujours est-il que cette série resta en France et doit être dans une collection aujourd’hui. 
À la fin des années 40 et dans les années 50, Boisselier produit de nombreuses et longues séries de planches pour les collectionneurs. Beaucoup seront calquées par Claude Achard et son fils dans les années 60 et 70 puis publiées sous forme de planches en noir et blanc à colorier. Cela a permis à toute une génération d’amateurs de découvrir un savoir et des sources autrement inaccessibles.
Citons quelques unes des plus importantes (en nombre de planches) de  ces séries (toutes ne furent pas calquées) 
L’armée Napolitaine de la république Parthénopéenne puis sous les Rois Joseph et Murat
L’armée de Jérôme, Roi de Westphalie
Les armées de la Confédération du Rhin
Les armées Italiennes sous la révolution et l’Empire
L’armée prussienne en 1815
L’armée Anglo-Hanovrienne en 1815
Plusieurs séries sur les armées françaises et leurs alliés en Espagne 
Par ailleurs, le hasard de la chîne nous ont fait croiser:
  • une série sur les armées françaises de l’ancien régime
  • une série sur les gardes bourgeoises de villes de l’ancien régime au 19e siècle
  • une série sur le 2nd Empire dans le style des petits soldats d’Alsace
  • une série sur les troupes coloniales françaises les plus exotiques (cipayes, Tonkin, Levant etc.)
Etc.
Plusieurs séries de Boisselier se trouvent au sein de la collection Brown. Elles reprennent certains des thèmes évoqués ci-dessus: Westphalie, Espagne, Second Empire, mais aussi Restauration. Elles sont toutes réalisées de la même façon: planches à l’Italienne avec entre 4 et 6 personnages par planches. Contrairement aux autres séries connues, il n’y a aucune légende ou mention de sources de la main de Boisselier. Au revers de la planche figure la légende sur une étiquette tapuscrite. 
Nous n’avons pu déterminer si ces séries furent une commande de Mme Brown. C’est possible, car elle voyageait souvent à Paris et y séjournait assez longtemps. Elle y a très probablement rencontré Boisselier. Il se peut aussi que ces séries aient fait partie de commandes effectuées par des officiers allemands pendant la guerre et achetées par son mari alors qu’il se trouvait à Paris auprès d’Eisenhower en 1945.
Lorsque la Société des Collectionneurs de Figurines Historiques  décide, après la guerre d’inclure des planches à colorier, Boisselier entreprend une collaboration régulière (La SCFH, fondée avant-guerre a fusionné en 1970 avec La Sabretache qui a d’ailleurs à cette occasion adopté le format du bulletin, et donc la publication périodiques de planches uniformologiques). Il contribue avec des séries de planches et des études souvent rédigées avec ses partenaires de recherche: le commandant Bucquoy et le Lieutenant-Colonel Darbou. Il participe aussi régulièrement aux réunions de cette association avec un autre artiste, lui aussi quelque peu oublié, Pierre-Albert Leroux.
Au début de l’année 1959, Leroux, ancien combattant de la grande guerre décède. Boisselier lui-même, âgé de 78 ans est alors assez malade mais semble se remettre. Il participe activement à une réunion de la SCFH le 12 septembre. Puis, le 15 septembre alors qu’il travaillait à des planches pour la SCFH, il meurt brutalement.
Ses archives sont rachetées par un collectionneur de Montargis. Au décès de celui-ci, sa collection est dispersée, aujourd’hui on retrouve au gré des collections les gros classeurs de travail d’Henry Boisselier. Sa production ayant été énorme, il n’est pas rare de croiser au détour d’une brocante ou sur eBay, une gouache ou un dessin de Boisselier et parfois, avec de la chance, des séries complètes.
Puisse cette première publication mieux le faire connaître et en permettre d’autres dans l’avenir.
Sources:
Commandant Bucquoy: Bréviaire du collectionneur d’uniformes 1953
R.Philippot: Henry Boisselier, SCFH Bulletin N°6, Novembre 1959

mercredi 9 mars 2011

Iconographie

Henry Boisselier, Fifre Chasseurs à Pied de la Garde Impériale - Collection Boersch 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .


En complément de la gouache présentée, Frédéric Berjaud m'a fait parvenir une image représentant le même Fifre illustré par Henry Boisselier. Ici est stipulé "d'après la collection Boersch" en dessous du dessin. Le style est moins poussé, mais il s'agit bien du même Fifre.

Iconographie

Henry Boisselier, Colonel Grouvel
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .




"Le portrait de Grouvel - il est alors colonel du 4e provisoire de dragons - la planche de la Sabretache est en N&B - alors soit Boisselier a copié la planche en restituant les couleurs, soit il a ensuite vu le tableau - comme le type est réellement classique, il est probable qu'il a travaillé à partir de la planche de la Sabretache (confère article sabretache décembre 1928 de Margerand) et que Grouvel à ensuite acheté la planche. Le plus intéressant d'ailleurs n'est pas le colonel mais le sapeur qui est à côté ! 
Yves Martin

Iconographie

Henry Boisselier, Tambour du 29e dragons : aquarelle du Colonel Jolly 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .
"Le dragon du 29e est intéressant - mais joliment "extrapolé"- sur la planche il n'a pas de tambour.
(confère article sabretache février 1928 de Margerand) 

Le 29e dragons était alors à Modène et Jolly venait d'y être nommé - par la suite il devient le 6e chevau-légers lanciers et Jolly va continuer à en représenter les types. Maintenant, il reste aussi une incertitude, car il y a eu 2 Jolly ! le père (sous l'Empire), mort en 1832 et le fils qui fit la conquête de l'Algérie et était aussi un artiste…certaines des aquarelles dites "de Jolly" sont du fils et non du père - Bucquoy avait d'ailleurs correspondu avec Rousselot à ce sujet, disant qu'il s'y perdait…" 
Yves Martin






Iconographie

Henry Boisselier, Musicien de dragons : Camp de Dresde 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .

Iconographie

Henry Boisselier, Officier d'artillerie à cheval : Camp de Dresde 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .

Iconographie

Henry Boisselier, Officier train d'artillerie : Camp de Dresde 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .

Iconographie

Henry Boisselier, Tambour-Major d'infanterie de ligne : Camp de Dresde 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .

Iconographie

Henry Boisselier, Sapeur d'infanterie légère : Camp de Dresde 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .


Iconographie

Henry Boisselier, Tambour-Major d'infanterie légère : Camp de Dresde 
Gouache originale. Année 1930
Collection Alain Berizzi .
Suite à la découverte de 9 planches de Henry Boisselier, j'ai proposé à Yves Martin, Frédéric Berjaud, Jean Claude Bonatre et d'autres contacts, de me donner leurs avis sur celles-ci. En voici le contenu :


"Sur les 9 gouaches, 6 proviennent du manuscrit du Camp de Dresde. Manuscrit qui est effectivement important et que Boisselier à dû copier vers 1921-1922 alors qu'il était en vente après le décès de Edouard Détaille. Il est intéressant de constater que 2 des gouaches ont pour source la Sabretache année 1928 - je suppose donc que ces gouaches ont été réalisées vers 1929-1930, ce qui confirme mon hypothèse initiale liée à la qualité de réalisation. Après la 2e GM, Henry Boisselier va travailler de plus en plus rapidement afin de générer un volume d'activité "hors norme". Avant-guerre son travail est soigné et souvent sur de grandes planches. Les planches qui sont à Compiègne sont à peu près de cette époque là ou à peine postérieure." 
Les types du Camp de Dresde proviennent tous de la partie "uniformes de parade" du manuscrit - c'est la partie qui est la plus aboutie et coloriée." 
Yves Martin

























Merci à tous les participants pour cet échange.